Bon, vous aurez tous compris que cette note (que j’espère brève) s’intéresse au débat qui a eu lieu lundi matin entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Ce débat marque une nouvelle étape pour nous, il est clair que nous ne jouons plus dans le bassin des petits. Depuis lundi, le co-président du PG a réussi à mettre en circulation les arguments qui font mouche contre le Front National !
Revenons déjà sur la préparation de ce débat. Et d’abord, le sempiternel « fallait-il accepter ? ». Mais bien sûr que oui mes amis. Qui peut aujourd’hui affirmer que la diabolisation du FN a rempli ses objectifs ? Personne ! C’est donc sur le terrain du débat argumenté que l’on doit affronter Marine Le Pen. Pourquoi ? Justement parce qu’elle ne peut pas prendre la main sur ce terrain au vu de toutes les contradictions de son discours. Finissons-en avec la position petite-bourgeoise qui consiste à dire qu’en débattant avec le FN, on légitime son existence. Lorsqu’il en était encore temps, c’est-à-dire quand ce mouvement ne captait pas autant de suffrages, et que son discours était frontalement anti-républicain, il fallait interdire le FN. Qui d’autre que Jean-Luc Mélenchon, dans les dirigeants des grandes formations politiques, a tenu cette ligne ? Personne, alors s’il vous plaît, ne nous donnez pas de leçons. Si aujourd’hui le FN est si important, c’est parce certains n’ont pas eu le courage de l’interdire clairement lorsqu’il en était encore temps. « Oh mais ça les aurait victimisés ». Pas à l’époque, ils n’existaient que très peu. Et d’ailleurs, pourquoi la France est un des rares pays de l’Europe Occidentale à avoir échappé à la prise de pouvoir par un mouvement fasciste dans les années 30 ? Uniquement parce que le Front Populaire avait dissout les ligues fascistes. Alors maintenant, le mot d’ordre d’interdiction du FN n’est plus à l’ordre du jour. Quelles autres solutions nous restent-ils ? Deux, tout simplement. Poursuivre sa diabolisation, stratégie dont l’échec est aujourd’hui patent et qui cache mal la peur de ceux qui la défendent de débattre avec Le Pen. C’est donc le débat argumenté qu’il faut utiliser. Démonter une par une toutes ses déclarations à l’emporte pièce, son instrumentalisation de la laïcité dans le but de stigmatiser les musulmans, son discours contre les étrangers qui pénaliseraient les travailleurs français etc… etc…
Le débat AR-GU-MEN-TE ! C’est donc ce que nous avons fait lundi. Je dis nous, car la préparation de ce débat a bel et bien été une œuvre collective comme le rappelle Alexis Corbière ICI. Depuis des semaines, nous préparons tous des fiches pour Jean-Luc sur ce qu’a dit, écrit ou fait le Front National. Et le résultat a été au rendez-vous ! Nous avons rempli nos objectifs. Commençons par là, car pour savoir si on a réussi un débat, il faut en définir les objectifs. Je le dis tout de suite l’objectif de ce débat n’était pas de convaincre les électeurs du Front National, en particulier la frange populaire de son électorat, de voter pour le Front de Gauche. Non pas que ce ne soit pas un de nos objectifs à moyen terme. Mais ce débat ne s’y prêtait pas. D’abord en raison de son « contexte ». Qui regarde un lundi à 8h30 sur BFM TV un débat politique ? Certainement pas les gens qui se tuent au travail. Ces gens là n’auront d’ailleurs pas le temps de revoir le débat sur internet, ou d’en lire les compte-rendu dans le journal de révérence bobo Le Monde. Donc malgré la forte médiatisation de ce débat, on ne pouvait pas toucher les électeurs populaires du Front National. Ensuite, jamais nous n’avons cru que c’était avec un débat que l’on changerait la vision du monde de racistes ou de gens désemparés qui regardent trop TF1 et pour qui la sécurité est la priorité numéro 1. Eh oui camarades, cette situation résulte de 30 ans de néolibéralisme assaisonné à la sauce sécuritaire, 30 ans qui ont formaté les esprits, imposé aux consciences l’individualisme parce qu’avant de penser à son voisin, il faut déjà trouver le moyen de survivre personnellement. On ne peut pas dire d’un côté que la vague néolibérale, la Grande Régression pour reprendre les mots de Jacques Généreux, a précarisé l’immense majorité sans analyser de l’autre côté les dégâts que cela a provoqué dans les consciences individuelles. Et on ne peut pas rattraper 30 ans avec un seul débat. Bien sûr ça y participe, mais je pense vraiment que c’est moins notre intervention dans les médias, que notre implantation territoriale et notre travail d’éducation populaire dans les quartiers populaires qui permettront d’inverser la tendance.
Donc dans ces conditions, quels étaient nos objectifs dans cette première confrontation avec Le Pen ? Et au regard de ces objectifs, ont-il été remplis ?
Premièrement, il fallait bien montrer que le Front de Gauche et le Front National, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ce n’est pas la même chose. Depuis des semaines, les éditorialistes de tout poil, les caricaturistes du genre de Plantu qui reçoivent 10 000 euros du Quatar (un des pires régimes autoritaires) nous jouent la petite musique des populistes qui reprennent les mêmes ficelles. Il était important pour nous d’en finir avec cette question. Et là, force est de constater que la démonstration a été éclatante ! Nous ne sommes d’accord sur rien. Cela va donc être plus difficile pour toute la médiacratie et certains responsables politiques à la Huchon ou Cohn Bendit, de faire le parallèle.
Deuxièmement, et c’était là l’objectif central, il fallait incarner la gauche. Oui, incarner la gauche ! Redonner espoir aux gens, leur montrer qu’entre une gauche résignée à accompagner le capitalisme (le PS) et cette petite gauche qui n’a aucune ambition de changer la vie des gens (le NPA suite à son congrès qui refuse l’unité de l’Autre Gauche), il existe un endroit où on est fier d’être de gauche. On est fier d’assumer nos positions, et particulièrement la régularisation de TOUS les sans-papiers ! Alors que tous tortillent devant Le Pen lorsqu’il s’agit de parler d’immigration, nous avons clairement assumé cette revendication. Vous allez me dire que je fais de l’emphase, mais je pense véritablement que suite à ce débat, la gauche politique a refait surface. La plupart des commentaires vont dans ce sens, et même de journalistes (en privé hein, faut pas exagérer) qui nous disent que Jean-Luc a abattu une icône médiatique. Il s’agit bien de cela, je le répète, pour la première fois, quelqu’un vient de mettre en circulation des arguments contre le discours de Le Pen. A vous tous camarades, à vous journalistes, TOUS, utilisez ces arguments maintenant au lieu de vous défiler face au FN. Pour le plaisir, je vous recopie un message de mon ami Rudy Pierron qui démontre parfaitement notre sentiment après ce débat: « Une amie non politisée et plutôt du genre à voter parce qu’il le faut socialiste a bû un coup hier dans un bar avec celui qui lui a fait passé le permis. Il y a la télé dans le bar. c’est un bar algérien. Elle m’a raconté que l’ambiance était plutôt bonneit plutôt bonne, tout le monde parle fort avec son voisin. Quand tout à coup, il y a des extraits du débat Méluch Le Pen tout le monde a arrêté de parler. silence dans le bar. Les extraits s’arrêtent. Et les gens commentent tous ce qu’ils viennent de voir. l’extrait était sur la laïcité… Ce qui est dit d’un ton joyeux, c’est que melenchon a explosé Marine Le Pen et que ce qu' »il avait dit c’était bien. cela a beaucoup touché mon amie. Et elle a eu le sentiment de vivre une scène collective où la gauche vient de marquer des points, tout le monde parle fort avec son voisin. Quand tout à coup, il y a des extraits du débat Méluch Le Pen tout le monde a arrêté de parler. Silence dans le bar. Les extraits s’arrêtent. Et les gens commentent tous ce qu’ils viennent de voir , l’extrait était sur la laïcité… Ce qui est dit d’un ton joyeux, c’est que Mélenchon a explosé Marine Le Pen et que ce qu’il avait dit c’était bien. Cela a beaucoup touché mon amie. Et elle a eu le sentiment de vivre une scène collective où la gauche vient de marquer des points ». Bref, tout est dit !
Alors bien sûr, rien n’est parfait, il y a encore des petites choses à rôder mais les objectifs sont remplis. La preuve de cela ? Il y en a deux. D’abord la mine déconfite de Marine Le Pen et de son équipe au sortir du débat. Ensuite, le compte-rendu médiatique de ce débat : ce serait un point partout, « balle au centre » etc…. Pourquoi ces commentaires sont positifs ? Simplement parce qu’on avait prévu qu’en cas de victoire de Jean-Luc, les médias ne nous dérouleraient pas le tapis rouge. N’oubliez pas deux choses : premièrement, Le Pen est le diable de confort du système ; deuxièmement, les médias ne pensent qu’à travers les sondages et les parts de marché. Pour eux donc, Le Pen c’est 18 % de parts de marché, qui s’en priverait ? En tout cas pas eux. Mais à l’inverse, imaginez si Jean-Luc avait été battu. Vraiment, vous ne pensez pas qu’on aurait eu le droit à des dizaines et des dizaines d’articles nous enfonçant ? Allez, je vois bien que vous êtes d’accord avec moi. J’ai fait cette précision pour donner du courage aux camarades qui parfois, comme moi d’ailleurs, tombent dans le piège d’accepter la vision hégémonique des médias, et leur discours. Mais ne prêtons pas trop de pouvoir à la médiacratie, souvenez-vous du 29 Mai 2005.
Pour finir, un petit mot pour mes camarades de Jeudi Noir.
Depuis fin Décembre, le collectif qui lutte contre le mal logement occupe un bâtiment vide depuis des années appartenant au grand groupe AXA. J’y suis déjà allé à plusieurs reprises, pour leur apporter tout mon soutien et celui du Réseau Jeunes du Parti de Gauche. Mais mardi matin, le tribunal a ordonné l’expulsion. Celle-ci peut avoir lieu à tout moment, entre 6h et 21h. Les flics ne les ont pas encore mis à la porte. Mais dès 6h ce matin ils peuvent être là, quand il y a peu de militants, et surtout pas de médias. C’est pourquoi je passe une nuit blanche aujourd’hui, je devais finir un dossier pour la fac (et ouais dur dur d’être étudiant salarié même quand son boulot est très loin d’être précaire), et j’ai décidé de me rendre au squatt pour 6h. Alors, hop, allons organiser le siège au 22 avenue Matignon !